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La Famille Abashiri : du Sexe et de la Violence

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C’est bien connu : les manga, ce n’est jamais que du sexe et de la violence. Néanmoins, si UFO Robot Grendizer (Goldorak) conserve une réputation assez honorable en Europe, son auteur – le génial Go Nagai – est aussi celui qui aura poussé le plus loin le politiquement totalement incorrect dans ses œuvres.

Quand nous pensons à Go Nagai, généralement, nous pensons à ses robots géants, lesquels ont fait la joie des enfants des années 70 (et plus récemment des animefans des années 2000). Certains se rappelleront Devil Man – en espérant que cela ne soit pas à cause catastrophique film – d’autres Cutie Honey, mais dans l’ensemble, cela ne quittera que peu les séries TV des années 70.
La plupart reprennent le principe du « un épisode – un ennemi », au travers d’affrontements qui bien entendu font appel à un minimum de violence. Cutie Honey se montre légèrement plus coquin, en incorporant des personnages aux mœurs légères, des petites culottes, et des transformations très déshabillées.
Mais tout ça, ce n’est rien par rapport aux manga d’origine.

Il semblerait que peu le savent, mais Go Nagai a commencé par un scandale, dans les années 60, avec un manga intitulé Harenchi Gakuen ; en français « L’École Impudique », et tout de suite le ton est donné.
Gô Nagai possède plusieurs thèmes de prédilection : le sexe, la violence (souvent extrême), l’humour, et bien entendu ses fameux robots géants. Seulement, à ses débuts, ses œuvres n’étaient pas adaptables en l’état, du moins pour celles qui avaient des chances d’être adaptées. Nombre d’animes issus des travaux de Go Nagai, dans les années 70, résultent de projets menés parallèlement sur les deux supports que sont le manga et la télévision ; les autres ont été fortement édulcorés, voire profondément modifiées pour correspondre aux standards télévisuels de l’époque. Même Cutie Honey, qui peut nous sembler un peu osé, fait bien pâle figure comparé à sa version papier, où deux pervers – pas de petits pervers comme ceux de l’anime, mais des vrais pervers comme Go Nagai aime en parsemer ses titres – lèchent avec délectation une Honey transformée en statue, entre autres.

Autant dire que les célèbres animes estampillés Go Nagai, sortis à cette époque, ne sont finalement que peu représentatifs des travaux du mangaka, si nous prenons le temps de nous intéresser à ses publications.
Tout change avec une des innovations les plus importantes de l’histoire de l’animation japonaise : l’apparition des Original Animation Video, communément appelées OAV. En soi, il ne s’agit jamais que d’animes destinés directement au marché de la vidéo, mais cela va permettre aux studios de s’affranchir des contraintes de la télévision (et du cinéma), qui jusque-là leur imposait la durée des épisodes, la longueur des séries, le temps de production, et bien sûr le contenu des animes. Avec les OAV, les épisodes gagnent en liberté, les studios peuvent aborder de nouveaux thèmes, et cela va s’accompagner – dès le milieu des années 80 – par la naissance de plusieurs œuvres emblématiques.
Et comme il n’y a plus de limites, cela va être l’occasion de re-découvrir Go Nagai. Non pas qu’il se soit fait tellement rare depuis la fin de l’âge d’or des super robotto, mais cette fois, il va être possible de concevoir des animes infiniment plus proches de ses manga originaux.

S’il y a bien un mangaka dont les œuvres ont profité de ce nouveau format, c’est bien Go Nagai : Chônôryoku Shôjo Barabanba (1985), Mujigen Hunter Fandora (1985), Violence Jack : Harlem Bomber (1986), Devilman: Tanjô Hen (1987), Violence Jack : Jigoku Gai (1988), Shuten Dôji (1989), Devilman : Yôchô Sirene Hen (1990), Violence Jack : Hell’s Wind hen (1990), Abashiri Ikka (1991) dont il sera question plus bas, CB Chara Go Nagai World (1991), Kekkô Kamen (1991), Hanappe Bazooka (1992), Kuro no Shishi (1992), Kyuukyoku no Sex Adventure Kamasutra (1992), Oira Sukeban (1992), Tetsu no Shojo Jun (1992), Shin Cutey Honey (1994), Harenchi Kômon Manyûki (1996), Heisei Harenchi Gakuen (1996), Getter Robo : Sekai Saigo no Hi (1998), Amon Devilman Mokushiroku (2000), Shin Getter Robo VS Neo Getter Robo (2000), Mazinkaiser (2001), Re: Cutie Honey (2004), et Kikôshi Enma (2006). Un nombre impressionnant, même si les titres de fin 80/début 90 n’adaptent généralement qu’un fragment d’une œuvre bien plus vaste, et n’hésitent pas à apporter quelques changements à l’histoire ; mais elles ont au moins le mérite de redonner aux histoires leur style véritable.
Toutes ces OAV vont ouvrir la voie à l’arrivée de séries TV beaucoup plus fidèles au mangaka, en particulier Shin Getter Robo (2004) et bien sûr Shin Mazinger Shôgeki! Z-Hen (2009).

Si j’ai commencé par cette longue introduction, c’est qu’à force de regarder du Go Nagai, je pense qu’il était bon de faire ce constat. Et maintenant, je peux repartir sur le sujet principal de ce billet, une série de 4 OAV parfaitement représentative de ce que je viens d’énoncer : Abashiri Ikka, aussi appelé Abashiri Family.
Depuis 18 générations, la famille Abashiri, comme une malédiction, n’a engendré que des hommes, destinés à devenir des voleurs et des assassins ; ainsi, ses membres se retrouvent pourchassés par les autorités dès leur naissance. Mais Kikunosuke Abashiri, unique héritier de l’art martial ancestral de sa famille, pourrait bien mettre fin à ce cycle infernal.
Plus que sur un scénario, la série repose sur les personnalités atypiques de la famille Abashiri :
¤ Daemon Abashiri : Le patriarche. Il ne paye pas de mine, mais il s’agit d’un combattant hors du commun, qui mène ses enfants d’une poigne de fer mais avec une véritable gentillesse. Parmi eux, il a une préférence affichée pour Kikunosuke.
¤ Goemon Abashiri : L’ainé. Il n’existe pas plus pervers que lui, et cela se voit à sa tête. Mais malgré son apparence, ses techniques d’assassinat et sa vitesse d’exécution ne souffrent d’aucune comparaison.
¤ Naojiro Abashiri : Le cadet. La montagne de muscle de la famille. Tout son corps a été détruit ; il n’en reste que le cerveau (pas la partie la plus fonctionnelle à l’origine), aujourd’hui protégé dans un corps de cyborg.
¤ Kikunosuke Abashiri : La troisième. Et oui : une fille ! La seule née dans la famille, en 18 générations. Mais aussi l’héritière de la plus puissante technique de la famille, à cause de la marque qu’elle porte dans son dos ; asséner le coup final à leurs adversaires lui revient de fait. Jusqu’à ses 16 ans, ses frères ignoraient son véritable sexe (même Goemon n’avait rien remarqué).
¤ Kichiza Abashiri : Le benjamin. Le génie de la famille. Il tire sa force des explosifs qu’il met au point, et qu’il cache sous la forme de pièces de tissu.

Résumer le contenu de ces OAV serait simple, mais ne leur rendrait pas justice. Vu d’ensemble, il s’agit de l’histoire de Kikunosuke ; après que son père ait révélé la vérité à ses frères, il considère que la malédiction est rompue, et que la famille doit désormais revenir à une vie plus « normale ». Donc, il envoie Kikunosuke – adolescente de 16 ans élevée comme un homme et avec 160 meurtres à son actif – dans une école, avec pour mission d’apprendre à se comporter comme une fille normale. Sauf qu’elle va atterrir dans une école qui, elle, n’a strictement rien de normale.

Malgré ce scénario, la première OAV commence de manière absolument stupéfiante. Le narrateur nous introduit un Japon où l’armée chinoise a pris le contrôle, où les révoltes se multiplient, et où la famille Abashiri, malgré sa violence, constitue le seul espoir de Justice.
Ces prétentions de grandeur, le spectateur le comprend bien vite, ne sont que poudre aux yeux. Une sorte de délire qui prend la forme d’une histoire excessivement sérieuse et sombre. Alors qu’en réalité, il ne s’agit que d’un moyen pour introduire les personnages, au cours d’un affrontement stylisé qui rend cette première OAV totalement GAR et furieusement exceptionnelle. Je prends cette entame comme une des meilleures que j’ai pu voir dans l’animation japonaise.
La seconde OAV (elles durent toutes environ 20 minutes) sert de transition, puisque Kikunosuke assume désormais son véritable sexe à son domicile, malgré la lubricité de ses frères (et de son père) ; c’est dans ce contexte qu’elle va apprendre qu’elle doit porter un uniforme féminin et se rendre à l’école, ce qui donne lieu à des situations éminemment cocasses, puisqu’elle n’a encore jamais fait quoi que ce soit d’un tant soit peu féminin…
Cette première moitié de la série est une merveille, dans un pur esprit Go Nagai, rempli à ras-bord de virilité et de perversité. La suite fait hélas! retomber l’ambiance, dans une aventure où Kikunosuke va devoir affronter les professeurs sadiques de son école ; je crois surtout que c’est l’absence des autres membres de sa famille sur la quasi-totalité de ces deux épisodes qui, malheureusement, plombe un peu l’ensemble… Heureusement, dans la mesure où les deux premiers sont des bijoux, cela compense largement !

Abashiri Ikka n’est pas un anime dans lequel il faut chercher une logique ou une raison profonde aux événements et aux comportements des personnages. C’est du bon gros délire à la Go Nagai, avec du sang comme s’il en pleuvait – les victimes, souvent innocentes, se comptent par centaine – des sous-vêtements arrachés par des pervers sadiques, des personnalités improbables, des combattants surpuissants, beaucoup d’humour au-dessous de la ceinture, et une ambiance générale aussi fascinante que déroutante.
Ceux qui n’ont jamais connu le véritable Go Nagai risquent de tomber de haut, d’autant que l’anime reprend un chara design proche de celui du manga, donc beaucoup plus choquant (certains protagonistes ont vraiment de sales tronches). A ce propos, ces OAV restent dans la même veine que les autres adaptations de l’époque, citées plus haut : l’accent est plus mis sur le contenu, sur l’histoire, que sur la qualité technique, avec une animation pauvre, qui n’a strictement rien à voir avec ce que nous pouvons voir dans nombre d’OAV, format au contraire réputé pour le soin apporté à l’animation et au graphisme. Cela combiné au chara design de Go Nagai, certains spectateurs pourront trouver ça très moche ; et ça date de près de 20 ans, ce qui n’arrange rien… Par contre, Abashiri Ikka a pour lui la qualité de la mise en scène (les points forts de l’histoire sont bien mis en avant) et une musique entrainante même si elle compte peu de thèmes différents.

J’ai beaucoup aimé cet anime, mais essentiellement à cause de sa première moitié. J’aimerais bien lire le manga, qui compte tout de même 15 volumes (quand je vous disais que ces OAV se contentaient d’une adaptation extrêmement partielle), mais il ne sortira JAMAIS en France.
Pour apprécier cet anime, je crois qu’il faut soit être conscient du contenu véritable des œuvres de Go Nagai (et ne rien avoir contre ledit contenu), soit avoir l’esprit ouvert et curieux. C’est GAR, c’est dégueulasse, c’est potentiellement jouissif mais vraiment particulier.


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